LIBÉREZ LES ACTIVISTES ANTICOLONIAUX CALÉDONIENS

Le 19 juin 2024, les autorités françaises ont appréhendé et arrêté plusieurs membres du CCAT (cellule de coordination des actions de terrain) en Nouvelle-Calédonie et en ont ensuite expulsé sept vers la France.

Ceux-ci comprennent :

  • Christian Tein, porte-parole du CCAT, transféré dans une prison de Mulhouse (nord-est de la France).
  • Fred Muliava, chef de cabinet du Congrès de Nouvelle-Calédonie, transféré dans une prison de Riom (près de Clermont-Ferrand, centre de la France)
  • Brenda Wanabo-Ipeze, chargée de communication du CCAT, a été transférée dans une prison de Dijon (sud-est de la France).
  • Yewa Waetheane a été incarcérée à Nevers.
  • Dimitri Qenegei a été envoyé en prison à Villefranche-sur-Saône.
  • Steve Une a été envoyé dans une prison à Blois.
  • Guillaume Vama a été envoyé à la maison d’arrêt du Bordiot à Bourges.

Leur premier interrogatoire a eu lieu le 22 juin dernier. Plus tard dans la nuit, les détenus ont été transférés par charter privé vers la France pour y être placés en détention provisoire. Selon le procureur local Yves Dupas, le transfert a été organisé de nuit à l’aide d’un avion spécialement affrété pour la mission.

La question du lieu de leur placement en détention provisoire n’a été évoquée qu’à la fin de l’audience et les personnes ont été conduites directement à l’aéroport, selon Odile Macchi, responsable de la division Investigations de l’Observatoire international des prisons, l’OIP. Une telle procédure n’a pas eu lieu depuis la guerre de Nouvelle-Calédonie et rappelle de douloureux souvenirs.

Les autorités n’ont pas immédiatement précisé les accusations portées contre eux. Le procureur Dupas a néanmoins affirmé que son enquête judiciaire portait sur des vols à main armée et des complots d’assassinat ou de tentative d’assassinat, selon le quotidien français Le Monde. Les avocats de la défense considèrent que les magistrats ont agi exclusivement en réponse à des considérations politiques.

Les détenus sont incarcérés dans différentes prisons à travers la France métropolitaine, loin de leurs avocats et de tout soutien familial. Par exemple, Brenda Wanabo-Ipeze a laissé trois enfants en Nouvelle-Calédonie. Les avocats font actuellement appel en l’absence de leurs clients, et l’enquête se poursuit pour le moment à Nouméa (Nouvelle-Calédonie).

Parmi les autres personnes inculpées ce week-end figure Guillaume Vama et Joël Tjibaou, le fils de l’indépendantiste du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) Jean-Marie Tjibaou, signataire de l’accord de paix de Matignon en 1988. Dans l’attente d’une audience, ils n’ont pas été transférés en France métropolitaine et seront maintenus en garde à vue à Nouméa.

Le CCAT est un organisme de coordination des forces anticoloniales kanaks qui s’est opposé pacifiquement à la dernière décision du gouvernement français de réformer la législation électorale en vigueur en Nouvelle-Calédonie. La réforme proposée prévoit d’étendre l’éligibilité des électeurs aux résidents de longue durée ce qui affecterait le pourcentage d’électeurs autochtones par rapport aux électeurs colonisateurs, compromettant par conséquent le résultat de tout futur référendum d’autodétermination. Le changement constitutionnel proposé ouvrirait la liste des électeurs éligibles à quelque 25 000 citoyens, pour la plupart des kanaks non autochtones.

ELDH réaffirme que la question de la Nouvelle-Calédonie est une question de décolonisation. La Nouvelle-Calédonie est inscrite depuis 1986 sur la liste des territoires non-décolonisés du comité spécial de la décolonisation de l’ONU, où la France est considérée comme une simple puissance administrative.

Toute solution à la question calédonienne doit être résolue par le dialogue et la négociation dans le cadre du droit à l’autodétermination des territoires coloniaux. C’est le même cadre qui a conduit aux accords historiques de Nouméa, un élément crucial du contexte historique dont chacun devrait être conscient.

Le transfert ou l’expulsion de ces militants vers la France, à 17 000 km de leurs familles et de leurs avocats, au cours d’une enquête judiciaire, dans un transport militaire constitue un traitement dégradant et inhumain des détenus. Elle viole « les droits fondamentaux et, en particulier, le maintien des droits familiaux », selon Odile Macchi de l’Observatoire international des prisons.

La détention provisoire n’est pas nécessaire pour les personnes qui lancent des appels publics au calme ou se présentent volontairement comme l’ont fait les personnes arrêtées. Christian Tein avait appelé au calme quelques jours après le début des violences et s’était volontairement présenté à la police pour rapporter sur ses activités. Cela reflète l’attitude vindicative des autorités françaises à leur égard.

Cette situation affecte également les conditions nécessaires et suffisantes pour garantir le droit à la défense, puisque la procédure d’enquête est toujours à Nouméa, et les personnes arrêtées se trouvent en France à 17.000 km. Cela signifie que les avocats de la défense devront se déplacer en France ou se connecter par téléphone ou Internet avec leurs clients, sans aucune garantie de confidentialité des échanges.

Il est à noter que les militants du CCAT sont répartis dans différentes prisons en France, aucun dans un même établissement, promouvant là encore une politique de dispersion des détenus à des fins politiques.

Pour ces raisons, nous :

  • Dénonçons l’arrestation et la déportation des militants politiques anticoloniaux kanaks.
  • Demandons la libération inconditionnelle des détenus et leur transfert vers la Nouvelle-Calédonie pour assurer une défense adéquate.
  • Exigeons la fin de toutes les mesures répressives contre le mouvement anticolonial pacifique kanak.
  • Rejetons les tentatives du gouvernement et du Parlement français de modifier unilatéralement la législation relative au droit de vote en Nouvelle-Calédonie, dans le but de modifier les conditions futures d’un processus de décolonisation au détriment des peuples autochtones de Nouvelle-Calédonie.
  • Appelons à une solution négociée au conflit politique basée sur le respect du droit à l’autodétermination du peuple kanak. Cela est une exigence et une lueur d’espoir pour une résolution pacifique.

La déclaration est soutenue par

  • Association Française des Juristes Démocrates (AFJD)
  • The Socialist Lawyers Association of Ireland
  • Indian Association of Lawyers
  • Italian Democratic Lawyers (GD)
  • National Union of People’s Lawyers, Philippines
  • Progressive Lawyers Association (ÇHD), Turkey